CONTRIBUTION DE GILLES SCHILDKNECHT
Chef de l’ex mission VAE du Ministère de l’éducation nationale
Chargé de mission au Conservatoire national des arts et métiers
VAE – Anniversaire ou commémoration ?
2022, la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) a 20 ans. Il semble qu’un consensus se soit manifesté pour se féliciter des résultats de ce dispositif et de son importance face aux enjeux actuels et à venir en matière de certification des compétences des individus.
Mais si nous regardons d’un peu plus près, en partant de l’objectif du législateur de l’époque, qui était de pallier l’absence de signe de qualification de 40% de la population active, les résultats en quantité globale et en progression, il est moins sûr que le dispositif ait trouvé une place à la mesure des ambitions. Derrière les discours, nous pouvons nous interroger, sur la volonté réelle des acteurs de développer de manière significative la VAE. Peut-on encore y croire ? *
*A voir à la fin de cette contribution les pertinentes propositions de Gilles (NDLR).
Naissance et premières années, le dispositif tend à se mettre en place
Partant du constat du manque de repères de qualification pour au moins 40% de la population active, instituée par la Loi du 17 janvier 2002, la VAE marque une rupture dans le système de certification français en posant le principe d’un droit individuel à la reconnaissance de l’expérience pour l’acquisition en totalité de certifications professionnelles (diplômes nationaux, titres du ministère de l’emploi ou certificats de qualification professionnelle).
La Loi place à égale valeur et reconnaissance les certifications obtenues par cette voie supplémentaire avec celles obtenues par la voie de la formation.
Elle instaure un changement de construction des certifications, devant être basée sur des notions issues du monde du travail, ainsi qu’une séparation entre formation et certification.
Très rapidement, un ensemble d’outils et de procédures furent mises en place et permirent une montée en puissance des dispositifs, mais devant la lenteur et surtout les freins rencontrés chez les plus importants certificateurs, l’Etat décida de créer une délégation au développement de la VAE, pilotée par le délégué général de la DGEFP, rassemblant tous les ministères certificateurs. Cette instance permit de rationaliser les différents dispositifs et de rendre plus claires pour les individus les modalités des parcours à suivre. Cette structure fonctionna de 2006 à 2009 et bénéficia d’un appui réel du premier ministre de l’époque.
Une vitesse de croisière atteinte ?
Malheureusement, malgré la création d’outils uniformisés et de centres dédiés à l’information sur l’ensemble du territoire, le dossier ne fut plus porté politiquement et la phase prévue d’association des partenaires sociaux et des collectivités territoriales fut abandonnée. La campagne nationale de promotion envisagée disparut également.
Les certificateurs se replièrent sur leurs enjeux internes, notamment budgétaires, et aucune réelle mesure favorisant un développement conséquent ne fut prise.
Les partenaires sociaux toujours imprégnés du « tout formation » ne considérèrent pas que la VAE fut un objet de négociations nationales ainsi que dans les entreprises.
Les résultats s’en ressentirent et la progression du nombre de dossiers traités entra dans des phases de stagnation et une réelle décrue s’est installée ces dernières années.
La VAE à l’Education nationale ne pesait que moins de 1% de la totalité des diplômes professionnels délivrés sur une année et représentait environ 60% de l’ensemble des certifications délivrées par les ministères valideurs. Ce qui peut expliquer le peu de moyens spécifiques dédiés à ce dispositif. Les étapes jurys et délivrance de diplômes étaient financées sur le budget de la voie initiale.
La situation aujourd’hui est-elle satisfaisante ?
On nous annonce environ 350 000 certifications délivrées par la voie de la VAE en 20 ans. Ce qui correspond à 17 500 par an. C’est une goutte d’eau par rapport aux millions de certifications délivrées.
Dans la foulée des multiples rapports parus tout au long de ces 20 années, dont les constats dressés sont récurrents, des « expérimentations » sont en cours pour simplifier les parcours et y réintroduire des séquences de formation (les habitudes et la culture de la formation reviennent à la charge !).
Peut-on penser que sans des mesures impactant les entreprises, les financements, la législation sociale, ainsi que de véritables négociations sur la reconnaissance dans les parcours professionnels des certifications acquises par la voie de la VAE, la situation peut s’améliorer de manière significative ?
Que faire pour répondre aux enjeux de demain ?
Les propositions nécessaires à un réel développement de la VAE existent. J’ai pu y apporter ma contribution par plusieurs textes. Seule manque une volonté politique au plus haut niveau permettant de triompher des obstacles historiques, de concevoir et piloter un plan sérieux de relance d’un dispositif quasiment moribond, malgré les discours d’acteurs vivant, pour certains, d’une niche de « spécialistes » s’autoalimentant.
Ce plan, piloté nationalement en interministériel et relayé dans les régions, s’appuyant notamment sur des objectifs et moyens issus de négociations avec les partenaires sociaux et les régions prévoirait une campagne nationale de communication, la mutualisation des informations, des financements des jurys et de leur formation continue, de l’accompagnement pendant et après le passage devant un jury.
La fixation d’objectifs comme l’Education nationale l’avait fait auprès des recteurs pendant quelques trop courtes années, permettrait de mesurer les évolutions et de corriger d’éventuels freins et obstacles par l’ensemble des acteurs impliqués. Un système national unique de certification permettrait une meilleure lisibilité de l’offre, des passerelles et des équivalences entre certifications.
Fêter les 20 ans de l’instauration de la VAE est naturel, mais l’autosatisfaction ne doit pas être de mise. Remettons l’ouvrage sur le métier et soyons humbles, réalistes et volontaristes. Créons les conditions permettant d’éviter de se retrouver dans 20 ans avec le même type de résultats insuffisants.
Les évolutions importantes à venir des métiers militent pour une systématisation de la VAE comme préalable à tout parcours d’évolution professionnelle. Les dispositifs de transitions professionnelles mis en place doivent inclure des démarches de validation des compétences acquises.
GILLES SCHILDKNECHT Paris – Mars 2022