Reconnaître l’expérience, c’est créer de la confiance…
« La confiance est un élément majeur : sans elle, aucun projet n’aboutit » (Eric TABARLY, Mémoires du large)
Le fait que l’expérience et sa reconnaissance précèdent (et nourrissent) la compétence a déjà été largement explicité par les travaux de nos amis de l’association RECONNAÎTRE (et le Colloque « E-PIC PARIS 2024 » y reviendra largement début novembre).
Mais, même si nous ne sommes pas les seuls à concevoir les choses de la sorte, il reste beaucoup de paramètres à prendre en compte et faire bouger pour que cela « infuse » assez largement dans l’écosystème des compétences, en Europe et surtout en France , où tant d’acteurs sont tellement attachés à un triptyque « former/valider/diplômer ».
Pourtant, il y aurait suffisamment de travaux formalisés , notamment dans le cadre de l’AFNOR en France (où plusieurs d’entre nous sont engagé(e)s de longue date), et d’expériences de terrain, y compris accompagnées par le Ministère du Travail (avec le soutien au développement de « pépites » d’étudiants-entrepreneurs) ou l’APEC (avec les premières promotions d’un « start-up shaker »), pour convaincre de cette approche nouvelle, en plus du formidable mouvement « Badgeons notre Région » ou « Badgeons la Métropole » qui gagne maintenant du terrain …
Notre Association en ait tellement convaincue que notre Séminaire d’été 2024 a décidé de repenser notre identité, en reformulant désormais notre vocation comme celle d’ « accompagner la reconnaissance et le développement des compétences, pour la performance des organisations ».
Et il est important et plaisant de voir que ces démarches ne sont plus isolées en Europe. Ainsi, il serait utile de s’intéresser aux projets européens ERASMUS d’amélioration et, dans une certaine mesure, de clarification des relations Education/Entreprises (tel « ED EN HUB », auquel notre partenaire FREREF (1) a activement participé aux côtés de partenaires belges, italiens, finlandais …). En effet, il appert notamment de ces travaux – portant également sur un partage de l’approche des « soft skills » – que le point nodal du dialogue c’est bien le partage des constats sur l’émergence de l’expérience qui , partant du terrain, d’une part, irrigue les parcours de développement des compétences et leur validation et, d’autre part, éclaire et/ou consolide l’approche des entreprises sur le recrutement et la fidélisation des talents (2).
A cet égard, on doit s’intéresser à ce qui voit le jour, y compris en France, dans les entreprises du « Care » comme dans celles du Numérique, pour le déploiement intelligent de « micro-credentials » (en refusant la facilité ou le contresens de les ramener à de simples « micro-certifications » dans une acception française réductrice) …
On pourrait citer ici aussi tout ce qui change quand on joue le jeu de la reconnaissance de l’expérience en entreprise, spécialement dans le cadre d’une Formation En Situation de Travail, mettant la réflexivité au cœur d’une dynamique de prise en compte de la pratique, qui commence entre pairs avant de trouver (prouver !) sa pertinence à l’échelle de l’unité de travail ou de l’entreprise toute entière.
Mais le principal sera sans doute de mettre l’accent sur ce que ce principe du « primat de la reconnaissance » change tant dans le monde des accompagnateurs de la compétence (consultants, formateurs, coachs, tuteurs, …) que dans celui de la gestion des ressources humaines.
Et, pour conclure provisoirement sur les changements que cela suppose, notons déjà l’obligation de passer du sachant qui « délivre » ou « valide » une reconnaissance, du haut d’un dispositif, à celui d’« émetteur de confiance » , boostant l’expérience et la conscience que la personne en prend.
Cette posture peut et doit se généraliser , au fur et à mesure que sera largement compris l’intérêt de partir de la reconnaissance ouverte, y compris pour repenser l’architecture et les modalités de validation formelle. Car, comme le prouve déjà de nombreuses équipes de l’Education Nationale engagées dans des Collectifs pour « badger un territoire », il est temps de concevoir reconnaissance non formelle et formelle comme complémentaires et non comme les divisions hiérarchiques d’un ensemble fini.
Ce sera un des sujets majeurs des mois à venir, indépendamment du cap que pourra tracer un nouveau gouvernement et auquel devront réagir tant l’écosystème de l’emploi et de la formation (dont les partenaires sociaux) que les entreprises avec leur management.
Jacques FAUBERT
Président de l’Association pour le Développement
et l’accompagnement des Compétences (ADevComp)
(1) FORUM DES REGIONS D’EUROPE POUR LA RECHERCHE, L’EDUCATION ET LA FORMATION (FREREF) – https://freref.eu
(2) Ce qu’ont démontré les participant(e)s au FREREF DAYS d’Emilie Romagne (2023) et Barcelone (2024).