AMELIORER L’ACCOMPAGNEMENT DES CHEFS D’ENTREPRISE
Quand on parle d’accompagnement – une des raisons d’être d’ADevComp – on parle généralement de celui des salarié(e)s pour le repérage et la reconnaissance de leur expérience, le développement de leurs compétences et/ou leur reconversion ; on sait aussi l’importance à accorder à l’accompagnement de l’organisation et la performance de l’entreprise. Mais pense-t-on suffisamment à l’accompagnement du management et plus encore à celle du chef d’entreprise , notamment de PME ?
Aujourd’hui, des chefs d’entreprise (de la CPME notamment) et certains réseaux, comme le Groupe « Esprit d’entreprendre » (spécialisé dans l’accompagnement des dirigeants et porteurs de projet), se dressent contre « le tabou autour de l’accompagnement des chefs d’entreprise, qui sont souvent réticents à demander de l’aide par peur du jugement ». Les dispositifs d’aide et d’appui sont très mal connus des chefs d’entreprise et l’information est dirigée en priorité vers les salariés.
C’est ainsi, qu’un des administrateurs CPME du CIBC Isère-Savoie[1] fait ce constat : « je connais beaucoup de chefs d’entreprise qui pensent par exemple que le bilan de compétences ne leur est pas accessible ». Le deuxième obstacle est économique, avec le plafonnements des financements au niveau des fonds d’assurance formation (FAF) des non-salariés. Et la troisième et peut être principale contrainte, c’est « le conseil aux dirigeants, grand oublié de la Réforme de 2018 » d’après cette même source CPME (qui milite par ailleurs pour des dispositifs innovants et mal connus tels que les « groupements de prévention agréés (GPA) » de soutien aux entreprises et à leurs dirigeants).
ET LES MANAGERS ?
En France, les formations aux managements ne manquent pas – le foisonnement n’étant pas synonyme de transparence ni de garantie aux yeux des chefs d’entreprise qui les recrutent ! loin de là – mais la formation continue et/ou les parcours de développement de compétences dédiés ne semble pas forcément à la hauteur tant des attentes que des besoins.
Dans une étude récente[2], on apprend que 7 répondants sur 10 indiquent avoir demandé une voire plusieurs fois à suivre une formation pour exercer leur nouvelle fonction. L’attente est là …
Et le besoin est patent, au regard de charges de travail qui s’alourdissent et de fonctions qui se complexifient : « intégrer le management à distance (avec une plus grande attention portée à la santé mentale), faire face à l’émergence de la génération Z sur le lieu de travail, s’assurer de la cohésion d’équipes intergénérationnelles, …», observe une des responsable de l’étude précitée.
Au final, on remarquera que 27% des interrogé(e)s ont constaté « un manque de moyens et de soutien ». Le chantier est là, d’une belle ampleur !
[1] Interviewé par Centre INFFO.
[2] Cf. Etude du cabinet de recrutement Robert Walters auprès de plus de 600 cadres en France réalisée au 2ème trimestre 2024, citée par Centre INFFO.
L’INNOVATION SE CONSTRUIT SUR LE TERRAIN
Depuis mai 2024, en Aquitaine, s’est mise en place une nouvelle modalité de formation d’auxiliaires spécialisés vétérinaires, en alternance , intitulée Nouvelle Aquitaine Santé Animale (NASA) portée par un consortium original avec le Centre de formation professionnelle et de promotion agricoles de Blanquefort, le Centre interprofessionnel de formation d’apprentis de Bayonne, des cliniques vétérinaires et nos amis de l’Agence française pour le développement de l’emploi et des compétences (AFDEC), soutenu par la Région Nouvelle Aquitaine, le FSE et l’Etat (notamment dans le cadre de FRANCE 2030) . L’expérimentation se mène avec du temps de formation en CFA réduit, une journée de formation à distance par semaine, en collectif et en tiers lieux, pour éviter la solitude digitale et conforter la dynamique de groupe ; chaque apprenant ayant bien sûr par ailleurs un tuteur en clinique vétérinaire.
« C’est une approche centrée sur la montée en compétences », selon Hubert GRANDJEAN qui en conçu l’ingénierie et précise que « « l’expérimentation fait le pari du distanciel en communauté de travail » et souligne l’utilisation d’outils innovants, tel qu’un « carnet de liaison moderne », alimenté de toute forme de preuve : texte, photo, film, autoévaluation …
Pour en savoir plus : https://www.afdecparis.com/
BIENVENUE A « COMPETENCES ++ »
Nous sommes heureux de saluer la naissance d’un nouvel acteur de qualité dans l’éco -système de la formation et du développement des compétences, COMPETENCES ++ qualifié par Centre INFFO de « cercle de réflexion dédié à la formation professionnelle », qui s’affirme comme un « espace de réflexion pluraliste qui a pour parti pris de défendre le bien-fondé de la formation professionnelle et l’utilité de son développement, de manière pragmatique et durable ». Parmi les fondateurs, on a plaisir à retrouver des experts amis tels que René BAGORSKI (ancien Pdt de l’AFREF, ex-Directeur de la Certification professionnelle de France Compétences), Fouzi FETHI (responsable du Pôle Droit et Politique de la formation de Centre INFFO), Pascal PICAULT (ancien Pdt de la FNADIR) ou Franck MOREL (ancien conseiller social d’Edouard PHILIPPE, désormais avocat associé du Cabinet Flichy-Grangé) et sa collègue Amandine VETU … Leur première contribution, dédié à QUALIOPI, vient de paraître ; d’autres travaux sont d’ores et déjà prévus sur la Certification, la VAE, l’AFEST ou la Formation à distance … Nul doute que nous aurons à rapprocher nos réflexions et initiatives dès cette année !
VERS DE NOUVEAUX PARTENARIATS DE FRANCE TRAVAIL AVEC LES ACTEURS DE L’INSERTION
Nos ami(e)s de l’AFREF ont eu la bonne idée d’organiser une de leurs « Disput’action » sur les coopérations et partenariats avec les acteurs de l’insertion professionnelle que compte mettre en œuvre FRANCE TRAVAIL : mise en réseau, partage de techniques et de savoir-faire, expérimentations … Ces points ont été développés par la Direction du développement des compétences dans les territoires , tout en rappelant les quatre objectifs de France Travail fixés dans sa nouveau convention tripartite signée avec l’État et l’UNEDIC d’avril 2024, à savoir : « repérer les demandeurs d’emploi non-inscrits et leur offrir un parcours adapté », « dynamiser l’insertion des demandeurs d’emploi déjà inscrits », « mieux accompagner les entreprises dans leurs recherches de compétences », et « développer des outils communs à France Travail et aux acteurs de l’emploi pour faciliter le pilotage des politiques et des actions ».
D’autres intervenants de FRANCE TRAVAIL (notamment de la Direction du partenariat et de la territorialisation ) ont pu souligner la nécessité de construire les relations et le partenariat au plus près des besoins depuis les territoires et ouvrir des perspectives, en termes d’outils partageables (nouvelle Plateforme DORA, Académie France Travail qui participera à former les professionnels de l’insertion y compris aux formations hybrides ou aux AFEST, …).
Bravo d’avoir ainsi rendu plus concrète l’affirmation de nouvelles relations entre acteurs de l’emploi et de l’insertion !
DES INQUIETUDES SUR LES BUDGETS TRAVAIL-EMPLOI-FORMATION
Même si énormément d’incertitudes pèsent encore en ce moment sur ce que pourront être les politiques Travail, Emploi et Formation en fin d’année 2024 et en 2025, on ne peut pas s’empêcher de s’inquiéter déjà de deux nouvelles : un ensemble de Décrets du 5 juillet 2024 décidant d’une baisse de plusieurs lignes de crédit et les premières information sur les « Lettres de cadrage 2025 » (certes encore susceptibles de rectification) qui limitent un peu plus l’horizon des crédits notamment de l’Apprentissage.
Ce qui est déjà acté :
- un transfert de crédits de 5 200 000 euros en autorisations d’engagement et 4 600 000 euros en crédits de paiement du programme « Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail » ;
- une annulation de crédits de 250 000 000 euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement du programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi » destiné au remboursement à France compétences d’un reliquat du fonds de concours relatif à la formation des demandeurs d’emploi ;
- deux virements de crédits, un de 4 000 000 euros en autorisations d’engagement en provenance du programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi », un autre de 3 400 000 euros en crédits de paiement en provenance du programme « Accès et retour à l’emploi ».
Cet ensemble de mesures, qui peuvent s’expliquer en termes de gestion, n’en sont pas moins déstabilisantes pour des politiques d’accompagnement ô combien nécessaires du retour à l’emploi. A SUIVRE !
D’UN REBOND DU DIALOGUE SOCIAL A UNE COMPLETE RELANCE ?
Comme une de nos « Brèves d’actualité » l’a décrit et regretté, les négociations en vue d’un Accord National Interprofessionnel (ANI) de fin d’année 2023, « pour un nouveau Pacte de la vie au travail », avaient échoué face à des blocages notamment du MEDEF et de la CPME. La troisième organisation patronale, l’Union des Entreprises de Proximité (U2P), a voulu dépasser la situation en ouvrant seule des négociations, auxquelles la quasi-unanimité des organisations salarié(e)s ont accepté de répondre.
Ce rebond du dialogue social a débouché, au printemps 2024 sur 2 accords importants : l’un sur le Compte épargne temps universel (CETU) signé par la CFDT et la CFTC), l’autre sur la Reconversion professionnelle, signé par toutes les organisations sauf la CGT. De la sorte, les organisations syndicales ont posé « un acte politique fort » et prouvé que « les partenaires sociaux arrivent à se mettre autour de la table et à s’entendre », selon des négociateurs et négociatrices.
Quel est le contenu du principal Accord ?
Il prévoit la fusion à terme des dispositifs de la Pro-A et des Transitions collectives (TRANSCO) au sein d’une nouvelle « période de reconversion » en entreprise. Celle-ci pourrait servir à évoluer vers un autre métier au sein de la même entreprise ou dans une autre entreprise. La période de reconversion peut se faire en alternance avec un niveau d’indemnité pédagogique « callé » sur celui de l’apprentissage. La garantie de conserver le contrat de travail est actée ; le négociateur pour FO se félicitant que l’accord « n’entraine pas de modification à la baisse des droits des salariés » . Au contraire, en cas de succès de la formation l’Accord prévoit que « le nouveau niveau de qualification permette d’obtenir automatiquement le niveau de classification associé dans la branche dont dépend l’entreprise ». En outre, le Projet de Transition Professionnelle (PTP) demeure inchangé. De la sorte, « reconversions à l’initiative du salarié et reconversions à l’initiative de l’employeur se complètent donc désormais de façon claire », note la CFDT.
Enfin, on soulignera que le texte de l’accord demande aux branches professionnelles de réaliser cartographie des métiers et aires de mobilité ; à défaut que cela concerne tous les secteurs cela concernera ceux exposés à des risques d’usure. Une avancée réelle …
Et maintenant ?
L’automne ou l’hiver 2024 (selon ce que sera le contexte politique) devrait voir se tenir une nouvelle « conférence sociale » . On peut espérer raisonnablement que les partenaires sociaux voudront en profiter pour initier de nouvelles thématiques enrichissant le dialogue social !
DIALOGUE SOCIAL EN PANNE ?
La négociation du « Pacte de vie au travail » est actuellement un échec ; rien n’est sorti d’une négociation, qui a duré plus de trois mois, entre partenaires sociaux et il n’y aura pas de nouvel accord national interprofessionnel (ANI).
Pourtant, à quelques jours de la conclusion, la Fédération des CIBC avait réussi, dans son Grand Opéra de VICHY, à tous les réunir pour une table-ronde « courtoise » et « constructive », où des points de convergence semblaient apparaître, à tout le moins sur l’accompagnement des individus et de la sécurisation des parcours, notamment au regard des transitions et reconversions professionnelles.
Les syndicats de salariés avaient tour à tour « zoomé » sur un certain nombre de positions, figurant dans leur Plateforme commune (téléchargeable ici) :
• La création d’un « droit à la reconversion professionnelle » ;
• La qualité dans les entretiens professionnels ;
• L’abondement des moyens financiers affectés aux projets de transition professionnelle (PTP) ;
• Le danger d’un « adéquationnisme » grandissant qui amoindrit la liberté de choix du salarié ;
• Le risque d’un « appauvrissement de l’investissement dans la formation professionnelle » …
Et il semblait se dégager un consensus sur l’accompagnement des chefs d’entreprise des PME et TPE et la création d’une « instance stratégique nationale multipartite », qui s’appuierait sur les travaux des observatoires de branches.
Difficile dans ces conditions de prévoir l’ampleur des désaccords au sortir de la séance du 8 avril !
Pourtant, face au texte patronal proposé (téléchargeable ici), on retiendra, au-delà des divergences, les mots forts des négociateurs syndicaux : constat d’un « gâchis » et d’un échec « grave pour le paritarisme », pour les uns, à minima « déception » pour les autres, conviction d’un « rendez-vous manqué » pour tous. « Le patronat avait proposé un accord moins-disant partout » proteste, dans Le Quotidien de la Formation, une des négociatrices. Les propositions patronales de créer un « CDI seniors expérimental », d’ouvrir la possibilité de rompre le contrat du salarié en parcours de reconversion, de passer l’entretien professionnel de 2 à 5 ans et le refus de traiter les transitions professionnelles sur les fins de carrières et ont été particulièrement mal reçues ; sans même parler des blocages sur la création d’un « Compte Epargne Temps Universel (CETU) », auquel seul l’U2P s’est montrée favorable.
Reste à savoir comment rebondir dans ces conditions et qu’est-ce qui pourrait encourager une reprise , pourtant indispensable, du dialogue social dans les mois à venir ? Restons attentifs et ouverts à tout ce qui pourrait le permettre, ne serait-ce que dans les Branches ou au plan d’initiatives territoriales innovantes.